Lettre ouverte du 30 avril 2020
- Monsieur Bruno Le Maire, Ministre de l’Economie et des Finances
- Madame Elisabeth Borne, Ministre de la Transition écologique et solidaire
- Monsieur Jean-Baptiste Lemoyne, Secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des Affaires étrangères
- Monsieur Jean-Baptiste Djebbari, Secrétaire d’État auprès de la Transition écologique et solidaire, chargé des Transports
Copie :
- Madame Ursula Von der Leyen, Présidente de la Commission européenne
- Monsieur Charles Michels, Président du Conseil européen
- Madame Pascale Fontenel-Personne, députée de la Sarthe, Co-Présidente
du groupe Tourisme à l’Assemblée Nationale
- Monsieur Pawel Niewiadomski, Président The European Travel
Agents’ and Tour Operators’ Associations (ECTAA)
- Monsieur Jean-Pierre Mas, Président Les Entreprises du Voyage
(EDV)
- Monsieur Patrick Gandil, Directeur Général, Direction Générale
de l’Aviation Civile
- Madame Virgine Beaumeunier, Directrice Générale, Direction de la
Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes (DGCCRF)
- Fédération Nationale des Associations d’Usagers des Transport
(FNAUT)
- Association Française des Usagers du Transport Aérien (AFUTA)
- Association of Passenger Rights Advocate
(APRA)
- UFC-Que Choisir
- Madame Adriana Minchella, Présidente CEDIV Travel
Objet : Billets d’avion non-remboursés > le scandale
français
Madame
la ministre, Messieurs les ministres,
Cela fait six semaines que de très nombreuses voix s’élèvent pour dénoncer les pratiques illégales de IATA et de plusieurs compagnies aériennes, qui refusent d’appliquer le Règlement européen (CE n°261/2004) sur le droit des consommateurs au remboursement des vols annulés.
Cela fait six semaines que IATA tente
d’obtenir un assouplissement pour « autoriser un système de bons de
voyage qui viendraient remplacer les remboursements en raison des vols annulés
pendant la période de crise du Covid-19 ».
IATA et certaines compagnies aériennes, refusent
d’entendre une position pourtant clairement exprimée et réitérée à de
nombreuses reprises :
- Le 18 mars 2020, Madame Adina Valean, Commissaire européen aux Transports a
rappelé les orientations de la Commission européenne sur les droits des
passagers « eu égard aux annulations que subissent les passagers en
raison de la pandémie Covid-19, la Commission entend offrir une sécurité
juridique quant aux modalités d’application des droits des passagers : en
cas d’annulation, le transporteur est tenu de rembourser » ;
- Le 9 avril, Madame Pascale Fontenel-Personne, députée de la Sarthe,
Co-présidente du Groupe d’études « Valorisation des Activités
Touristique », Membre du Comité de Filière Tourisme de l’Assemblée
Nationale, dans une lettre adressée à Madame Ursula Von Der Leyden, Présidente
de la Commission européenne, co-signée par 104 députés, a adressé un appel
solennel à appliquer « la protection du droit de ses concitoyens que
l’Europe a en son cœur » et « à mettre en place d’urgence
un fonds passagers garantissant aussi bien les voyageurs que les agents de
voyages » ;
- Le 14 avril 2020, Monsieur Thierry Reynders, Commissaire européen à la
Justice a rappelé que les droits des consommateurs devaient être respectés
malgré les circonstances exceptionnelles « c’est le droit des
consommateurs d’être remboursés » ;
- Le 22 avril 2020, Monsieur Thierry Breton, Commissaire européen pour le Marché
intérieur a publié un article dans lequel il écrit « nous avons présenté des
lignes directrices sur les droits des passagers qui établissent le caractère
exceptionnel de la situation. Cela signifie que les compagnies aériennes
n’ont pas à indemniser les passagers, mais, et nous le savons clairement, elles
doivent leur offrir, à leur discrétion un remboursement ou un bon pour
un vol ultérieur. La protection des consommateurs est en jeu » ;
- Le 22 avril 2020, Madame Adina Valean, Commissaire européen aux Transports,
en répondant sur les questions de mobilité et de transport à l’époque du Coronavirus,
a répondu que les bons ne peuvent pas être imposés par les compagnies
aériennes aux passagers sans leur approbation expresse. C’est aux
compagnies aériennes de rendre les bons assez attrayants.
- Le 22 avril 2020, lors de l’audition des dirigeants d’Air France par la commission
de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat, le
président a appelé à trouver rapidement une solution concernant le
remboursement des vols annulés et appelé à « la mise en place d’un
fonds de garantie afin de rassurer les consommateurs sur la solvabilité des
avoirs remis par les compagnies » ;
- Le 28 avril 2020, Madame Adina Valean, Commissaire
européen aux Transports a une nouvelle fois rejeté la demande
adressée à la Commission européenne de suspendre l’obligation faite aux compagnies
aériennes de rembourser les passagers dont les vols ont été annulés à cause du
coronavirus : « Je pense qu’à ce stade, les passagers
devraient conserver leur droit à opter pour un remboursement».
Chacun aura bien compris que IATA n’était
« pas favorable à un remboursement immédiat des billets » au prétexte
que « les compagnies sont sans revenus mais avec des coûts fixes à
assumer ».
Les compagnies aériennes, ne sont pas
les seules à se trouver dans cette même situation. Des pans entiers du tissu
économique sont frappés de plein fouet par la crise du Covid-19 : les
agences de voyages, les hôtels, les commerçants, les restaurants, les artisans,
etc… Tous sont sans revenus avec des charges fixes à assumer.
Toutefois, dans ce contexte de crise, les
consommateurs, ont le premier besoin de cette trésorerie qui leur appartient. Le
pouvoir d’achat a baissé (8 millions de salariés français sont au chômage
partiel), le taux de chômage a déjà fortement augmenté (+7,1% en mars) et une
explosion est attendue dans les prochains mois une fois passé l’effet
anesthésiant du dispositif de chômage de partiel.
Au nom de quel principe l’aérien serait autorisé à légaliser le processus de
cavalerie mis en place ? Quelle autre qualification donnée à la pratique des
compagnies aériennes qui consiste à utiliser les sommes versées plusieurs mois
à l’avance pour un service qui n’a pas (encore) été rendu, pour couvrir les
coûts fixes d’aujourd’hui ? Cela rappelle le système mis en place par Bernard Madoff, à
l’origine de la plus grande escroquerie financière de tous les temps.
Il serait immoral et injuste, de faire
financer par les consommateurs, les trous de trésorerie des compagnies
aériennes. Cela serait d’autant plus immoral et injuste, que des compagnies
aériennes bénéficient d’aides massives d’argent public.
Air France cumule : 7 milliards
d’euros apporté par l’état français, le chômage partiel français pour 80% de
ses effectifs et un moratoire sur les taxes et redevances aéroportuaires en France !
La campagne de lobbying pour
« assouplir » et faire « autoriser un système de bons de
voyage qui viendraient remplacer les remboursements en raison des vols annulés »,
est menée par IATA avec beaucoup de cynisme. Il n’y a aucune concertation avec
les consommateurs et les agents de voyages.
En « échange » de l’autorisation
d’un système de bons de voyages, IATA et les compagnies aériennes ne proposent la
mise en place d’aucun mécanisme de garantie financière pour couvrir le risque
de faillite ou le remboursement du bon en cas de non-utilisation.
Cela fait plus de vingt ans que les
professionnels du voyage réclament une garantie financière pour couvrir les
risques de défaillances des compagnies aériennes et cela fait autant d’années
que IATA s’y oppose.
Cette protection du consommateur parait d’autant plus nécessaire dans un contexte où IATA elle-même reconnaît que « les compagnies aériennes seront bientôt à court de liquidités et fassent faillites ».
En 2019, des milliers de français ont
perdu les billets payés d’avance sur Aigle Azur et XL Airways. Plusieurs centaines de milliers de passagers ont
été spoliés dans le monde par les nombreuses faillites de compagnies aériennes
au cours des dernières années, y compris de compagnies aériennes que certains auraient
pourtant ranger dans la catégorie des « fleurons », telles que
Swissair, Sabena, Pan Am, etc…. Combien faudra-t-il comptabiliser de victimes de
défaillances des compagnies aériennes, pour que la protection des consommateurs
soit enfin assurée ?
Madame et Messieurs les ministres,
quelles mesures ont été prises par l’Etat pour faire respecter, en France, le
droit des passagers ? Faut-il rappeler que les Règlements européen « sont
automatiquement contraignants dans toute l’Union européenne et que les
autorités nationales doivent veiller à ce qu’ils soient correctement appliqués ».
La Direction Générale de l’Aviation
Civile (DGAC) « a pour vocation de s’assurer de la bonne application du
règlement (CE) n°261/2004. Elle peut engager des procédures de sanctions
administratives à l’encontre des transporteurs qui ne respectent pas les
obligations qui leur incombent au titre du règlement » (site officiel
du gouvernement français – ecologique-solidaire.gouv.fr)
En refusant d’agir, la France est coupable
de manquement au droit de l’Union européenne. En refusant d’agir, la France fait
le choix de protéger les compagnies aériennes au détriment des consommateurs.
Il arrivera le jour où vous devrez
rendre compte aux français des mesures que vous avez prises pour protéger les
passagers et les consommateurs français. Il faudra alors expliquer pourquoi ces
dispositions qui existent dans la plupart des régions du monde, sont appliquées
ailleurs et pas en France.
Je suis sidéré qu’Air France assume une position illégale et la justifie. Interrogée sur le non-remboursement, en France par Air France des vols annulés, alors que la compagnie rembourse les passagers américains, une porte-parole de la compagnie explique : « le ministère américain des transports (DOT) n’a pas souhaité assouplir la règlementation en vigueur en cas d’annulation et donner la possibilité aux compagnies aériennes de différer le remboursement des billets afin de tenir compte de la situation exceptionnelle engendrée par la pandémie de Covid-19 ». Sous la pression du Conseil des Consommateurs d’Israël (ICC), Air France procède également au remboursement des vols annulés en Israël.
Pourquoi la France et l’Europe n’intervient
pas pour protéger ses citoyens comme le font d’autres pays ? Cela est d’autant
plus incompréhensible, inacceptable et immoral qu’Air France rembourse ses
passagers israéliens et américains avec l’argent du contribuable et du
consommateur français !
Alors que IATA réclame chaque jour
d’avantage d’argent public pour assurer la survie des compagnies aériennes, jamais
l’organisation n’a eu un mot pour les passagers. Ils sont relégués au rang
d’usagers dont IATA estime qu’ils ont acquis « un droit à voler ».
Ce n’est certainement pas en agissant de
la sorte que vous allez
- redonner confiance aux consommateurs pour relancer l’aérien et l’industrie touristique
à l’arrêt
- assurer votre devoir de protection du consommateur
- assurer l’équité et la nécessaire concurrence au sein des compagnies
aériennes (les aides d’Etat, prêts garantis et autres avantages
devraient être équitablement répartis entre toutes les compagnies aériennes)
- redonner confiance dans l’Europe.
Qu’est-ce
qui justifie par ailleurs de soutenir prioritairement, voir exclusivement Air France,
sans information sur les contre parties demandées à la compagnie en échange du deuxième
plan de sauvetage de son histoire réalisé avec l’argent du contribuable français ?
Quels
engagements ont été demandés à Air France en matière de :
- politique environnementale (l’aviation
commerciale continue de bénéficier d’un statut particulier dans le droit
commercial qui lui permet de s’affranchir de la lutte contre la pollution par
le biais des « soutes internationales » dont IATA a obtenu
l’exclusion dans le calcul des émissions de gaz à effet de serre)
- respect du droit des passagers
- gestion (avantages, grèves, productivité,
résultats…)
Cette
façon de procéder renforcera le profond sentiment d’injustice sociale qui
existait déjà dans notre pays avant le déclenchement de cette crise historique,
tout comme la défiance envers l’Europe, qui sera renforcée par l’incapacité de
protéger les citoyens.
La
grogne des clients s’amplifie. La colère monte. Je ne saurai trop recommander
d’écouter les consommateurs et de prendre garde à que le vent qui se lève ne se
transforme pas en tempête.
Je
vous remercie par avance de votre bienveillante attention et je vous prie de
croire, Madame la ministre, Messieurs les ministres, à l’expression de ma
considération distinguée.
Nicolas
BRUMELOT
Président
et co-fondateur MisterFly
Je suis spécialiste de la réservation de voyages en ligne ! Je vais vous donner envie de voyager… avec une bonne dose de fun ! Accrochez-vous !