Bien que cette période ne soit peu propice à la rigolade, voici une petite devinette : un Américain et un Français doivent prendre le même vol mais celui-ci est annulé à cause du coronavirus. L’un est remboursé, l’autre pas. Lequel ?
Pour savoir qui est du bon côté de l’Atlantique, on vous invite à lire cette lettre ouverte de notre Président, Nicolas Brumelot, au Gouvernement.
Lettre ouverte du 9 avril 2020 à
- Monsieur Édouard Philippe, Premier ministre
- Monsieur Bruno Le Maire, ministre de l’Économie et des Finances
- Madame Nicole Belloubet, Garde des Sceaux, ministre de la Justice
- Madame Élisabeth Borne, ministre de la Transition écologique et solidaire
- Monsieur Jean-Baptiste Lemoyne, Secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des Affaires étrangères
- Monsieur Jean-Baptiste Djebbari, Secrétaire d’État auprès de la Transition écologique et solidaire, chargé des Transports
Copie : Madame Ursula Von der Leyen, Présidente de la Commission européenne
Madame Pascale Fontenel-Personne, députée de
la Sarthe, Co-Présidente du groupe Tourisme à l’Assemblée Nationale
Monsieur
le Premier ministre, Mesdames et Messieurs, les ministres,
Monsieur Alexandre de Juniac, Directeur
Général et Chef de la Direction de l’Association du Transport Aérien
International (IATA), s’est adressé à la communauté des agents de voyages dans
une lettre ouverte diffusée le 3 avril 2020.
Les propos de IATA sont à ce point
choquants, que j’ai décidé de m’adresser directement à vous, afin de vous
interpeller sur l’attitude scandaleuse de cette organisation envers les agences
de voyages ET les consommateurs (cf. lettre ouverte adressée le 20 mars 2020 à
Monsieur Alexandre de Juniac restée sans réponse).
Cette lettre ouverte permet de prendre à témoin, mes confrères, nos instances représentatives, les consommateurs ainsi que les dirigeants des compagnies aériennes membres de cette organisation, qu’il existe un état de non-droit dont bénéficie IATA et ses membres, au détriment du consommateur. Il vous appartient d’y mettre un terme en faisant respecter l’application des lois et règlements.
Selon IATA :
- « Il est pratiquement impossible pour les acteurs de l’industrie de
trouver suffisamment de moyens financiers pour maintenir la chaine de valeur du
transport aérien durant la courte période qui sépare les compagnies aériennes
de la faillite » ;
- « Les dettes de l’industrie pour le remboursement des passagers
sont aux alentours de $35 milliards » ;
- « En l’absence de recettes, les compagnies aériennes, n’ont pas une
trésorerie suffisante pour rembourser ».
Doit-on comprendre que les compagnies
aériennes, utilisent les recettes des vols futurs, pour payer leurs charges et
trous de trésorerie d’aujourd’hui ? Cela ressemble à s’y méprendre au
processus financier de la cavalerie où de nouveaux emprunts servent sans cesse
à rembourser les emprunts antérieurs.
Il serait inéquitable, voir immoral, de faire financer par les consommateurs, les trous de trésorerie des compagnies aériennes. Cela serait d’autant plus immoral, que des compagnies aériennes bénéficient et vont continuer à bénéficier d’aides massives : Alitalia a été nationalisée. La Suède et le Danemark ont apporté une aide à la compagnie aérienne SAS. La Norvège a apporté un soutien à l’ensemble des compagnies aériennes du pays. Singapour a octroyé une aide de 12 milliards € à Singapore Airlines. L’administration américaine a annoncé une aide de 50 milliards $ aux compagnies aérienne américaines.
Monsieur
Bruno Le Maire a été clair quant à l’aide financière dont bénéficiera Air
France-KLM « Ce n’est pas un coup de pouce dont va avoir besoin Air
France, c’est un soutien massif de la part de l’État. Air France aura ce
soutien massif de la part de l’État. Nous voulons à tout prix préserver
cette compagnie aérienne qui est un fleuron industriel français ».
IATA et les compagnies aériennes se
tournent vers les autorités pour être renflouées par l’octroi d’aides publiques.
« Nous voulons un plan de soutien avec des conditions minimales et une
vitesse maximale » a déclaré Monsieur de Juniac. « Nous sommes
en contact permanent avec le gouvernement. Nous discutons avec le ministre des
transports quotidiennement et avec Bruno Le Maire et Muriel Pénicaud, une fois
par semaine » a déclaré Alain Battisti, Président de la Fédération
Nationale de l’Aviation Marchande (FNAM).
Dans le même temps IATA mène une intensive
campagne de lobbying afin d’obtenir « que les autorités de régulation, assouplissent
leurs exigences de remboursement et permettent aux compagnies aériennes de
remettre plutôt des bons de voyages ».
Le Règlement Européen N°261/2004 sur le remboursement
des vols annulés, et en
particulier les articles 8 §1 et 7 §3, n’est pas une « exigence », mais un Règlement !
Celui-ci a donc force de loi.
La Commission Européenne a rappelé l’application de ce
Règlement dans le contexte du Covid-19 dans sa Communication du 18 mars 2020
indiquant ses « Orientations
interprétatives relatives aux règlements de l’UE sur les droits des passagers
au regard de l’évolution de la situation en ce qui concerne le Covid-19 :
Il convient de distinguer cette
situation des circonstances dans lesquelles le transporteur annule le voyage et
ne propose qu’un bon au lieu d’offrir le choix entre un remboursement et un
réacheminement. Si le transporteur propose un bon, cette offre ne peut pas affecter le droit du passager d’opter plutôt
pour un remboursement ».
Il est utile de préciser, que
l’obligation de remboursement qui pèse sur les compagnies aériennes pour les
vols annulés, s’applique dans la plupart des régions du monde.
Aux États-Unis, le Département d’État
aux Transports, a rappelé, le 3 avril 2020 (cf. « Enforcement
Notice regarding refunds by carriers given the unprecedented impact of the Covid-19
public health emergency on air travel » :
- L’obligation de rembourser immédiatement les vols annulés, pèse sur les
compagnies aériennes depuis de nombreuses années ;
- L’obligation reste en vigueur, y compris sur le délai de remboursement,
dans le contexte du Covid-19 ;
- Exercera de façon discrétionnaire son pouvoir de poursuites afin de
permettre aux compagnies aériennes de se mettre en conformité avant de prendre
d’autres mesures ;
- N’est pas opposé à la possibilité de proposer des avoirs. Toutefois
cela doit se faire avec le consentement du passager, et en rappelant au
passager que ce dernier a le droit au remboursement s’il le souhaite.
L’Aviation Enforcement Office du
Département d’État aux Transports suivra les pratiques des compagnies aériennes
et engagera les poursuites nécessaires au respect de l’obligation de
remboursement. Le Département d’État aux Transports précise que cette
obligation s’impose aux compagnies aériennes américaines comme étrangères.
Cela fait maintenant trois semaines que
la Commission Européenne a rappelé aux compagnies aériennes que le Règlement
Européen continuait de s’appliquer dans le contexte du Covid-19.
Comment dans ce contexte expliquer qu’aucune
mesure n’a été engagée contre les compagnies aériennes qui refusent toujours
d’appliquer le Règlement, en « confisquant » la trésorerie des
consommateurs ?
Cela est d’autant moins compréhensible
et acceptable que cette situation de non-droit se prolonge :
- Au préjudice des consommateurs envers lesquels IATA estime avoir
une « dette de 35 milliards $ pour le
remboursement des passagers ». Consommateurs dont il n’est jamais fait
mention dans les communications de IATA;
- Alors que plusieurs compagnies aériennes bénéficient déjà d’aides massives d’argent
public;
- Alors que « Plusieurs compagnies aériennes seraient en faillites »
et demandent de pouvoir remplacer le remboursement par un avoir, sachant qu’il
n’existe aucune mesure de protection du consommateur en cas de faillite !
- Alors que les agences de voyages, TPE et PME pour la plupart, agents
accrédités des compagnies aériennes, sont considérées comme responsable envers
le consommateur de l’obligation de remboursement, alors qu’elles ne sont pas responsables
du non-respect de l’obligation de remboursement.
L’administration américaine, va exercer son
pouvoir de sanction, pour faire respecter l’obligation de remboursement qui
s’applique à l’ensemble des compagnies aériennes aux États-Unis, quelle que
soit sa nationalité.
Si aucune mesure de respect du droit
n’est appliquée en France et en Europe, il vous faudra alors expliquer aux
consommateurs français et européens, pourquoi aux États Unis un consommateur aura
bénéficié du remboursement de son vol annulé, sur Air France ou Lufthansa par
exemple, alors que le passager européen du même vol, n’aura pas eu le droit au remboursement.
Il est également nécessaire d’expliquer pourquoi dans ce contexte et des
agissements de IATA, les agences de voyages sont gravement spoliées :
- Les clients-consommateurs exigent de leur mandataire (CQFD l’agence de
voyages), l’application du Règlement Européen et donc d’avoir à leur rembourser
les billets annulés, peu importe que ceux-ci aient été réglés par les agences
de voyages aux compagnies aériennes (calendrier de règlement IATA qui n’a
bénéficié d’aucun assouplissement malgré le contexte de crise historique). Nos
agents se font laminer au téléphone ; les clients nous menacent ; les
réclamations s’accumulent. C’est d’une violence inouïe ;
- Il existe à peu près autant de règles et de procédures d’annulation
(remboursement, émission d’un avoir, autorisation d’un report), qu’il existe de
compagnies aériennes. Chaque processus est différent ce qui provoque une charge
de travail titanesque, qu’il ne sera pas possible de résorber avant de nombreux
mois. Cette gigantesque charge de travail provoquée par les compagnies
aériennes, n’est pas rémunérée ;
- IATA, qui estime avoir une « dette de $35 milliards pour le
remboursement des passagers », continue d’exiger et d’imposer le
respect, par les agences de voyages, de leurs obligations. Cette exigence se
poursuit alors que « les taux de défauts de 2020 sont légèrement
inférieurs à ce qu’ils étaient il y a un an ». Dans sa grande générosité, IATA
« offre d’étirer d’un mois les délais pour le dépôt
des comptes annuels », tout en reconnaissant « que dans
l’environnement actuel, il peut être difficile, voire impossible, de
faire réaliser des audits financiers » ;
- Les agences de voyages, n’ont AUCUNE dette envers IATA, mais restent soumises
à un contrôle financier strict par IATA. Dans le même temps, IATA et les
compagnies aériennes membres, qui a une « dette de 35 milliards $
envers les consommateurs » et donc envers leurs mandataires (CQFD les
agences de voyages), n’est pas soumise à une procédure de contrôle de leur
situation financière ;
- IATA et les compagnies aériennes membres ne sont soumises à aucune garantie
en cas de faillite alors qu’elles encaissent pourtant le prix du vol plusieurs
mois à l’avance.
Doit-on comprendre que les compagnies aériennes sont autorisées à utiliser
les recettes des vols futurs, pour faire face à leur trou de trésorerie
d’aujourd’hui ? Lorsque l’on sait qu’un certain nombre d’elles ont
distribuées des dividendes à leurs actionnaires ces dernières années, c’est inacceptable,
intolérable et immoral.
La communauté des agences de voyages
n’est pas opposée à permettre un assouplissement du Règlement Européen sur le
droit au remboursement des passagers pour les vols annulés. IATA a toujours
refusé la recherche d’une solution, qui consisterait à prendre en considération
les intérêts autres que ceux exclusifs des compagnies aériennes, à savoir, les
intérêts des agences de voyages ET de celles des consommateurs.
Cet éventuel assouplissement, doit donc
être strictement encadré :
- Les passagers sont fortement touchés par la crise, et beaucoup d’entre eux pourraient
avoir besoin de ces remboursements. La substitution d’un remboursement par un
avoir, devra recueillir l’accord du passager ;
- L’assouplissement sur le droit au remboursement ne doit pas viser à
supprimer les autres protections dont bénéficient les passagers ;
- La procédure d’émission, de validité et d’utilisation des avoirs, doit être
identique pour l’ensemble des compagnies aériennes ;
- L’avoir doit bénéficier d’une garantie financière pour couvrir le remboursement
en cas de non-utilisation à l’issue de la période de validité ou de faillite de
la compagnie aérienne ;
- Les agences de voyages, doivent bénéficier des compagnies aériennes, d’une
indemnisation pour le traitement et la gestion des avoirs.
105
députés français issus de divers groupes politiques, ont co-signé aujourd’hui
une lettre à l’initiative de Madame Pascale Fontenel-Personne, co-présidente du
groupe Tourisme à l’Assemblée Nationale, pour réclamer la mise en place « d’un
fonds passagers garantissant aussi bien les voyageurs que les agents de voyages »,
considérant que « le secteur est doublement lésé par les pratiques
abusives des compagnies aériennes et de leur représentant IATA »,
pointant du doigt un risque pour le consommateur et l’agent de voyage.
Les
agences de voyages sont un maillon essentiel de la chaîne du voyage et de la
distribution du transport aérien en particulier. Elles doivent donc être
associées étroitement à toute évolution de la règlementation.
Dans
un courrier adressé le 30 mars 2020 au Président de la République, auquel « il
n’a pas été possible de répondre de manière personnalisée face à l’abondance
des courriers reçus », je faisais remarquer au Président, que la solidarité, appelé de ses
vœux, notamment de la part des grandes entreprises, ne se traduisait pas sur le
terrain.
J’ai
alerté le Président de la République sur l’abus de position dominante et des
pratiques déloyales dont nous faisons l’objet de la part de IATA (cf. supra).
Je
rappelais enfin que le devoir du gouvernement était d’assurer que les mesures
de soutien massives que le Président a décidé d’apporter à l’économie, sont adressées
prioritairement aux plus faibles, et aux plus vulnérables : les
microentreprises, TPE, PME et ETI, qui constituent le tissu économique du pays.
Ces
mesures de soutien ne doivent pas être dirigées prioritairement vers les grandes
entreprises. Les « petites » entreprises représente une part
prépondérante du tissu économique français. Elles sont aussi son ciment social,
avec leurs implantations sur tout le territoire.
La
pratique qui consiste donc à soutenir prioritairement Air France-KLM (« Air
France aura ce soutien massif de la part de l’État. Nous voulons à tout
prix préserver cette compagnie aérienne qui est un fleuron industriel français »),
tout en « l’exonérant » de son obligation de remboursement sur les
vols annulés (en Europe puisqu’aux États Unis Air France-KLM devra rembourser),
constitue une terrible injustice envers les TPE-PME que nous sommes et envers
les consommateurs européens.
Cette
pratique de soutien aux « fleurons industriels », pourtant
contraire à la doctrine du Président de la République, qui oppose
« petites » et « grandes » entreprises, renforcera le
profond sentiment d’injustice sociale qui existait déjà dans notre pays avant
le déclenchement de cette crise historique.
Le
monde a été bouleversé. Les pratiques du passé sont obsolètes. Le gouvernement
doit veiller dans ce contexte dramatiquement historique, à plus de justice économique
et sociale ainsi qu’à une plus forte solidarité et exemplarité.
Je
vous remercie par avance de votre bienveillante attention et je vous prie de
croire, Monsieur le Premier ministre, Mesdames et Messieurs les ministres, à
l’expression de ma considération distinguée.
Nicolas
BRUMELOT
Président
et co-fondateur MisterFly
Je suis spécialiste de la réservation de voyages en ligne ! Je vais vous donner envie de voyager… avec une bonne dose de fun ! Accrochez-vous !